samedi 15 octobre 2011

Parler avec Jean-Luc Godard.


"Le conseil que je donnerai aujourd'hui à quelqu'un qui veut devenir metteur en scène, c'est de filmer tout simplement. Alors, quand un jeune vient me demander conseil, ma réponse est toujours la même : "Prend une caméra, fais un essai et montre-le à quelqu'un - un ami, un parent, l'épicier d'en face, qu'importe. Observe leurs réactions, et s'ils ont l'air de trouver ça intéressant, continue, fait un autre film. Cette fois, essaie de raconter ta journée. Mais trouve une façon de la raconter autrement. Parce que si ta journée se résume à "Je me suis levé, j'ai fait un café, j'ai passé un coup de fil à Josette, etc." et que dans le film, effectivement, on te voit te lever, faire un café et téléphoner à Josette, tu vas vite comprendre que ce n'est pas intéressant. Tu vas voir qu'il y a autre chose dans ta journée, qu'il y a une autre façon de la raconter et de la rendre intéressante. Alors tu vas essayer autre chose et peut-être que tu n'y arriveras pas. Dans ce cas, essaie encore une autre façon.  Et peut-être que tu t'apercevras que, finalement, ça ne t'intéresse pas de filmer ta journée. Alors filme autre chose. Mais demande toi pourquoi. Si tu veux filmer ta copine, filme ta copine, mais fait le vraiment. Va voir comment les grands peintres peignaient les femmes qu'ils aimaient. Lis comment les grands auteurs parlent des femmes qu'ils aiment, et filme ta copine. Tout ça tu peux le faire avec une caméra vidéo. Le 35 mm, les spots, les grues, tout ça, tu verras plus tard."

FILMER L'INVISIBLE

"Quand je me suis mis à faire des films, c'était parce que c'était vital, je ne pouvais rien faire d'autre. Mais aujourd'hui je vois les films de certains cinéastes et je me dis qu'ils pourraient très bien faire autre chose. Je crois qu'ils pensent faire ce qu'ils disent qu'ils font. Mais ils ne le font pas vraiment. Ils pensent avoir filmé telle chose mais, en fait, ils ne l'ont pas vraiment fait. Il y a deux niveaux de lecture dans un film : le visible et l'invisible. Ce que vous mettez en face de la caméra c'est le visible. Et si il n'y a que ça, c'est un téléfilm que vous faites. Les vrais films, pour moi, sont ceux dans lesquels il y a une espèce d'invisible, qui ne peut être vu qu'à travers ce visible-là, et uniquement parce qu'il est arrangé ou orienté comme ça. Trop de réalisateurs, aujourd'hui, se contentent de filmer le visible. Ils devraient se poser plus de questions."

La nécessité d'un échange. "Je crois qu'il est primordial pour un cinéaste de réussir à s'entourer de gens avec lesquels il communique et, surtout, avec lesquels il échange"

Jean-Luc Godard (interview, 1996)

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