lundi 24 octobre 2011

Parler avec David Lynch.


(et avec son incroyable fétichisme capillaire)

Au départ de chaque film, il y a une idée. Elle peut venir n'importe où, n'importe quand : en regardant les gens dans la rue ou bien en réfléchissant tout seul chez soi. Le plus important, pour un metteur en scène, c'est de toujours rester fidèle à cette idée de départ. Les obstacles sont nombreux et le temps efface beaucoup de choses, mais un film n'est pas fini tant qu'il reste une image à coller ou un son à mixer, et chaque petite décision compte. Chaque élément peut vous faire avancer un peu plus ou, au contraire, vous faire dérailler. Il faut, à la fois, être ouvert aux idées nouvelles, et, en même temps, garder un oeil constant sur son idée de départ. Elle est un peu comme un mètre étalon, à partir duquel on peut tester la viabilité et la conformité de chaque nouvel apport. Le vrai pouvoir du cinéma, pour moi, ne réside pas dans le simple fait de raconter une histoire, mais plutôt dans la façon dont on la raconte, dans la capacité que l'on a à créer un monde, une atmosphère ou une sensation dans lesquels le spectateur se retrouve immergé. Quand Jean-Luc Godard parle du visible et de l'invisible, c'est exactement ça : le cinéma a le pouvoir de dépeindre l'invisible. Il peut vous donner la sensation de l'invisible ou fonctionner comme une fenêtre à travers laquelle vous pénétrez dans un autre monde, comme dans un rêve. Selon moi, le cinéma a ce pouvoir parce que, contrairement à certains autres arts, il implique, dans son fonctionnement, une évolution temporelle. C'est comme en musique : vous commencez quelque part, puis, lentement, vous construisez note par note, et, au bout d'un moment, vous allez atteindre une note qui vous fera vibrer de manière particulière, mais ce sera uniquement grâce à toutes les autres notes qui l'ont précédée, et la façon dont vous les avez orchestrées. Or, il est difficile d'atteindre ce résultat en suivant les règles établies, et c'est pourquoi je pense qu'il est très important d'être ouvert à l'expérimentation.

RESTER MAITRE DE SON FILM

Je pense qu'il est totalement absurde qu'un metteur en scène qui croit un minimum à ce qu'il fait tourne un film sur lequel il n'a pas droit au montage final. Il y a trop de décisions vitales à prendre, et c'est le metteur en scène qui doit les assumer, pas un groupe de personnes qui n'ont aucun investissement émotionnel dans le film. Mon conseil final à tout futur metteur en scène, ce serait donc celui-ci : il faut rester maître de son film, du début à la fin. Et mieux vaut ne pas faire de film du tout que d'accepter de reléguer le pouvoir de décision finale. Parce que si vous le faites, vous en souffririez énormément. Je le sais pour l'avoir vécu.

 David Lynch (interview, 1997)

5 commentaires:

  1. Intéressant ! C'est des livres/magasine que tu achètes ou tu trouves ça sur le net ?

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  2. C'est un magasine hors-série des Cahiers du Cinéma que j'avais acheté pendant les grandes vacances, y'a des entretiens avec pleins de grands réalisateurs (y'a même Miyazaki ! Je te ferais un article spécial :P) avec comme question principale "vous donneriez quoi comme conseil à un jeune réalisateur débutant ?" Y'a même des trucs super techniques, genre Lynch explique comment il fait ses travellings de fou et tout, c'est passionnant :)
    Et moi je sélectionne ce qui est le plus intéressant dans le domaine de la création (plus que dans le technique) :)

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